Fin Septembre, la sonde Rosetta ira rejoindre son atterrisseur Philae sur la comète Tchouri. Cela marquera la fin de la mission de l’agence spatiale européenne (ESA). Les péripéties de cette mission ont été relayées, depuis 2014, mais le projet est bien plus vieux. Les résultats de la mission ont permis une bien meilleure compréhension des corps célestes.
La concrétisation d’un projet au cheminement difficile
Il est relativement difficile de percevoir le déroulement complet des missions spatiales. En dehors du monde aérospatial, on entend généralement parler des lancements de fusées, avant de voir les images renvoyées par les sondes. Mais les projets ne se limitent pas à ces événements. Lorsque les fusées sont envoyées dans l’espace, un important travail a déjà été réalisé. Puis, dans le cas de sondes spatiales, il faut savoir faire preuve de patience en attendant la phase d’approche de l’objectif. Dans le cas de satellites terrestres, le temps d’attente est bien moins long. Pour la mission Rosetta, les prémices du projets remontent aux années 1980. Initialement, le projet devait être mené conjointement par la NASA et l’ESA, et visait à atterrir sur une comète, prélever un échantillon, et le ramener sur Terre. Les deux agences spatiales discutèrent du projet de 1986 à 1992, date à laquelle la NASA quitte le projet. L’ESA revoit donc les objectifs de la mission, mais n’abandonne pas le projet Rosetta.
La collecte d’échantillons dans le but de les ramener sur Terre est abandonnée. La sonde devait initialement emporter deux atterrisseurs, mais pour des raisons budgétaires, l’un des deux est abandonné. Petit à petit, les contours de précisent, et la mission prend forme. La sonde emportera donc un seul atterrisseur, baptisé Philae. Les deux noms font références à la Pierre de Rosette, découverte par Champollion, et permettant de déchiffrer les hiéroglyphes, et à l’obélisque Philae, complétant le déchiffrage de Champollion. Le ton est donné : comme Champollion qui a réussi à résoudre un mystère vieux de plusieurs siècles, la mission a pour but de percer les secrets liés aux corps célestes. Le développement de la sonde et de l’atterrisseur prennent du temps, plusieurs comètes sont envisagées, et c’est finalement la comète Wirtanen qui est retenue comme objectif. Là encore, tout ne se déroule pas comme prévu : suite à un incident avec Ariane 5 en 2002, le lancement est reporté, empêchant de pouvoir atteindre la comète. Un nouvel objectif, plus complexe mais néanmoins atteignable, est choisi : la comète 67P/Tchourioumov-Guerassimenko, souvent appelée Tchouri. Le lancement de la fusée a lieu le 2 Mars 2004.

Un objectif particulièrement ambitieux
Plusieurs missions spatiales avaient pour objectif l’étude des comètes. On peut par exemple citer Deep Impact, au nom particulièrement bien choisi puisque la sonde a largué un impacteur sur la comète dans le but de créer un nuage de glaces et de poussières, analysable par la sonde. Mais Rosetta va bien plus loin puisque l’objectif est de se mettre en orbite autour d’une comète. On retrouve donc les problématiques habituelles des missions longues (source d’énergie, consommation d’énergie, vieillissement des équipements, …) ainsi que des problématiques bien particulières. Cela implique par exemple de synchroniser la vitesse de la sonde avec la comète, de rester à bonne distance de la comète pour ne pas s’éloigner ni s’écraser : une véritable prouesse technique.
La seconde partie de la mission est encore plus complexe : poser un module sur la comète. On pourrait se demander en quoi il est plus complexe de poser un module sur une comète lorsqu’on a pu le faire sur la Lune il y a plus de 40 ans. Il est pratiquement impossible de prévoir le site d’atterrissage à l’avance : cartographier la surface d’une comète est inenvisageable depuis la Terre, et c’est donc à la sonde en orbite que revient cette tâche. Cela a une conséquence directe : le module ne peut pas être développé pour se poser dans des conditions connues. Il faut tenter de prévoir différentes possibilités pour adapter le module, tout en maintenant une taille et un poids raisonnables pour le transport. Et le voyage jusqu’à la comète est très long : les systèmes d’atterrissage doivent donc être immédiatement fonctionnels après une dizaine d’années de repos.
Si la mise en orbite de Rosetta s’effectue sans inconvénient, il n’en va pas de même pour le petit module Philae. La gravité sur Tchouri est bien plus faible que sur Terre, et le module, d’une masse de 100kg, a un comportement sur la comète équivalent à celui d’une masse de 1g sur Terre. Les scientifiques ont donc mis en place plusieurs systèmes pour éviter que Philae ne rebondisse. Le module est équipé d’un propulseur dont l’évacuation est situé sur le dessus, pour plaquer l’atterrisseur au sol. Il est aussi équipé de harpons pour le fixer à la comète. Ces deux dispositifs ne fonctionnent pas, et Philae a rebondi une première fois à plus d’1km d’altitude, pour atterrir à nouveau 2h plus tard. Un second rebond a eu lieu, propulsant le module sous une falaise. Il faudra attendre pratiquement 2 ans avant que Rosetta ne détecte Philae.

Une mission aux nombreuses avancées scientifiques
Le module Philae, de par son rebond, n’a pu remplir tous les objectifs initialement prévus. Il a malgré tout effectué une partie des mesures qu’il devait, et à pu en transmettre une partie à Rosetta durant des phases de réveil. Malgré sa position peu favorable, ses panneaux solaires ont reçus suffisamment d’énergie pour permettre de réveiller ponctuellement le module. En revanche, l’éloignement de la comète du soleil, actuellement en cours, a déclenché la fin de la mission, un futur réveil n’étant plus envisageable puisque le module commence à vieillir. Les données recueillies par Philae et Rosetta ont permis aux scientifiques d’en savoir plus sur les corps célestes.
La mission a permis principalement d’en apprendre plus sur les comètes, ce qui semble assez logique. Les scientifiques ont pu étudier précisément la composition de la comète Tchouri, de son noyau mais aussi de sa queue. Ils se sont aussi intéressés aux modifications subies par la comète en fonction de l’influence du soleil. Au delà de l’étude des comète, Rosetta a apporté une pierre à l’édifice de la théorie sur l’origine de l’eau sur Terre. En effet, une des théories longtemps envisagée était que l’eau terrestre était originaire des comètes. Cette théorie est de moins en moins plausible, l’eau des comètes étant beaucoup plus chargé en deutérium (un isotope naturel de l’hydrogène) que sur Terre. On envisage désormais que l’eau terrestre provienne des astéroïdes. Les résultats de Rosetta viennent appuyer cette théorie. Enfin, comme toute mission spatiale de cette envergure, les retombées techniques ont aussi été bénéfique à l’industrie aérospatiale.
En septembre 2016 prendra donc fin un projet qui a vu le jour il y a 30 ans. Après plusieurs années de définition des objectifs, de construction des éléments envoyés, et de préparation, le lancement de Rosetta et Philae a eu lieu il y a 12 ans. La sonde et son module auront donc passés 10 ans à voyager vers leur destination finale, qu’ils ont étudiée pendant 2 ans. Un projet ambitieux, rendu possible grâce au travail commun de plusieurs agences nationales de pays européens, de la NASA, et bien entendu de l’Agence Spatiale Européenne.
Crédit image de couverture : DLR_de
Apparté : Matt Taylor, un scientifique qui déchire
On se souvient surtout de lui pour l’histoire du T-shirt qu’il portait lors de son passage à la télévision pour parler de l’atterrissage de Philae, mais cet homme est bien plus que ça. Tout d’abord, pour être affecté à ce genre de projet, il faut être plutôt bon dans son domaine. Mais il casse radicalement avec l’image que l’on se fait habituellement des scientifiques diplômé d’un doctorat l’Imperial College. Fan d’heavy-métal, il arbore sur ses avant-bras deux manchettes tatoués, et s’est fait tatouer Philae sur la jambe. Il s’agit selon moi du genre de personnes à même de changer l’image que l’on peut se faire de la science. Loin des blouses blanches, des teints blafards et des visages dépressifs que certains associent au domaine de la recherche, image passablement éloignée de la réalité, des personnalités comme Matt Taylor cassant radicalement avec ce cliché peuvent changer les choses. La recherche scientifique n’intéresse selon moi pas assez le grand public : un scientifique rockeur, jovial et bon vivant peut redorer le blason de la science, faire s’intéresser les gens aux découvertes scientifiques et, qui sait, soulever des vocations chez les plus jeunes !
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