Explosion d’un cargo spatial : le ravitaillement de l’ISS retardé

Jeudi 1er Décembre, l’agence spatiale russe, Roscosmos, a effectué le lancement d’un cargo de ravitaillement vers la station spatiale internationale. Cependant, quelques minutes après le décollage, le contact a été rompu : le cargo s’est consumé dans l’atmosphère. Un incident moins rare que ce que l’on pourrait penser, qui rappelle l’incroyable complexité du projet de station spatiale.

Une suite perpétuelle de sauts vers l’inconnu

Comme souvent mentionné dans plusieurs articles de ce blog, la Station Spatiale Internationale, ou ISS, est un projet d’une complexité hors du commun. Thomas Pesquet, spationaute français actuellement dans la station, disait en 2012, lors du TEDx Paris, qu’il s’agit là de « l’objet le plus complexe qui ait jamais été réalisé de main de l’homme ». Des dimensions colossales, un environnement particulièrement inhospitalier, et des conditions qui ne facilitent pas la construction : le projet a été titanesque. Différentes agences spatiales ont participé au projet, fruit d’une coopération remarquable. Et depuis le 2 novembre 2001, l’ISS a été habitée sans interruption : depuis plus de 15 ans, il y a toujours au moins un homme dans l’espace, à 400km au-dessus du globe. A tel point qu’il est commun d’oublier cette présence humaine en orbite basse.

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Utilisation du Manned Maneuvering Unit, système de propulsion des astronautes, par Robert Stewart en 1984 à proximité de la navette Challenger. Crédits : NASA

Et pourtant, cette présence permanente dans l’espace ne banalise en rien les opérations qui s’y déroulent. Au moindre incident, ou pour préparer une expérience, ou installer un nouveau module, il faut être en mesure d’intervenir à l’extérieur de la station. Ces sorties extravéhiculaires (abrégées EVA en anglais, pour extravehicular activities) restent des missions dangereuses, au cours desquelles le moindre problème peut rapidement prendre des proportions gigantesques. La première EVA, effectuée par le soviétique Alexeï Arkhipovitch Leonov en 1965, ne s’est pas exactement déroulée comme prévue. Étant le premier homme à sortir dans l’espace, il lui était impossible de savoir avec certitude ce qu’il se passerait. Après avoir passé plusieurs minutes à l’extérieur de la capsule, le cosmonaute a été incapable de la réintégrer : dans le vide spatial, sa combinaison s’est tellement dilatée qu’il ne passait plus par le sas. Il a ainsi été obligé de réduire la pression dans la combinaison, et de rentrer dans la capsule comme il le pouvait, de façon contraire au protocole prévue.

Cet incident a eu lieu il y a maintenant plus de 50 ans. Mais les EVA ne sont toujours pas sans danger pour les astronautes. En 2013, au bout d’une heure, la NASA a dû écourter une sortie devant durer 6 heures : l’astronaute italien Luca Parmitano a commencé à avoir de l’eau dans sa combinaison. Après avoir étudié une première possibilité erronée (une fuite des réserves d’eau de l’astronaute), la NASA, en contact avec l’équipe, envisage une fuite du système de refroidissement de la combinaison. Or, en micro-pesanteur, les liquides ne sont comportent absolument pas comme sur Terre : de l’eau s’est accumulé dans le casque, jusqu’à sérieusement gêner l’astronaute et inquiéter les équipes au sol. L’EVA est alors écourtée, et les astronautes ont ordre de regagner la station. Cependant, l’entrée dans l’ISS demande de culbuter en arrière, ce qui a eu pour effet de projeter l’eau autour du nez de Luca. S’il pouvait toujours respirer par la bouche, il ne pouvait en revanche plus voir et son nez était obstrué.

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Les astronautes Mike Fossom (en bas) et Ron Garath lors d’une EVA le 8 Juin 2008. Crédits : NASA

Selon Chris Hansen, président de l’équipe chargée de l’enquête, il s’agit sans doute de l’incident « le plus sérieux rencontré lors d’une EVA ». Ainsi, même 50 ans après la première sortie d’un homme dans l’espace, rien n’y est sûr. Un constat qui peut sembler terrifiant, mais qui rappelle à l’homme qu’il doit être humble face à cet Univers qu’il tente désespérément de comprendre. Malgré son calme apparent, le vide spatial n’est pas adapté à l’homme, et il lui est impossible de le plier à ses désirs : le risque doit être accepté. Et même lorsque l’on pense maîtriser certains aspects de la vie dans l’espace, rien n’y est jamais acquis.

L’échec de la mise en orbite consume le cargo

La Station Spatiale Internationale étant en orbite spatiale, et ne pouvant subvenir à tous ses besoins de façon indépendante, il faut régulièrement la ravitailler. L’ISS est optimisée pour recycler les différents fluides corporels pour recycler l’eau qu’ils contiennent, mais tout ne peut pas être récupéré de cette façon : nourriture, carburant, vêtements, plusieurs éléments doivent être renvoyés vers la station. Pour cela, plusieurs organismes sont accrédités pour envoyer des cargos de ravitaillement. Parmi eux, Roscosmos, l’agence spatiale russe, qui est aussi le seul organisme pouvant envoyer des hommes vers l’ISS avec le vaisseau Soyouz, depuis l’arrêt par la NASA du programme de navette spatiale.

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Le cosmonaute Sergey Ryazanskiy pris en photo par son compatriote Oleg Kotov lors de l’EVA du 9 Novembre 2013. Crédits : NASA

C’est donc un cargo de ravitaillement Progress qui a été lancé vers l’espace le 1er décembre 2016 par le lanceur Soyouz. Les premières étapes se sont déroulées normalement, puis, 383 secondes après le décollage, le contact avec le cargo est perdu. Le troisième étage de la fusée s’est éteint trop rapidement, à 190km du sol environ, avant que le cargo ait été positionné sur son orbite cible. Ces cargos sont prévus pour s’amarrer à l’ISS, puis sont renvoyés vers la Terre où ils se consument en pénétrant dans l’atmosphère. Ainsi, étant sur une orbite trop basse, le cargo s’est redirigé vers la Terre et s’est donc consumé durant la descente.

Ce genre d’incident semble être particulièrement exceptionnel, mais il n’en est rien. Le dernier problème rencontré, aussi sur un vaisseau cargo, a eu lieu en Avril 2015, et avait été imputé à la fusée Soyouz. Cela avait fortement perturbé les opérations spatiales : Soyouz étant le seul moyen d’envoyer des hommes dans l’espace, l’envoi de l’équipage suivant a été repoussé, et l’équipage présent dans l’ISS a vu son séjour se prolonger d’un mois, le temps d’étudier les causes et les circonstances de l’incident.

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Un cargo Progress, à gauche, à côté d’un vaisseau Soyouz, amarrés à l’ISS, en 2013. Crédits : NASA

Un nouveau ravitaillement prévu une semaine plus tard

Concernant l’équipage actuel de l’ISS, il n’y a aucun risque de pénurie : la station possède quelques réserves. Les astronautes ont en effet de quoi subvenir à leurs besoins pour faire face à un ou deux ravitaillements échoués. D’après LePoint, les réserves actuelles en eau sont suffisantes pour tenir jusqu’en mars prochain, et en nourriture jusqu’en avril. Un délai amplement suffisant puisque le prochain cargo de ravitaillement devrait être envoyé durant la semaine du 4 décembre par l’agence spatiale japonaise. Et un autre ravitaillement est prévu en début d’année 2017.

Image de couverture : Cargo de ravitaillement Progress en approche de l’ISS le 7 février 2008. Crédits : NASA

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