Jeudi 17 Novembre 2016 : double décollage pour l’ESA

Aujourd’hui, l’agence spatiale européenne vit une journée un peu particulière, puisqu’elle est au centre de deux lancements de fusées. Au cœur de l’actualité des derniers jours, Thomas Pesquet s’envolera depuis Baikonour en Russie, vers l’ISS, avec deux autres astronautes. En début d’après-midi, depuis la base de Kourou, en Guyane française, une fusée Ariane 5 décollera avec à son bord 4 satellites Galileo qui rejoindront la constellation de satellites déjà en place. Les deux évènements seront retransmis en live.

Un dixième français dans l’espace

Thomas Pesquet s’envolera donc ce soir, depuis le site de Baïkonour en Russie. Il sera accompagné de l’astronaute Peggy Whitson, de la NASA, et du cosmonaute Oleg Novitski, de Roscosmos, qui sera aussi le commandant à bord de Soyouz (la différence d’utilisation des termes astronaute, spationaute et cosmonaute est liée au pays d’origine de la personne). L’équipage embarquera à bord de la capsule Soyouz, d’ores et déjà montée sur la fusée éponyme. Les trois astronautes arriveront à la station spatiale internationale après un voyage de 48 heures, qui s’annoncent particulièrement longues pour Thomas Pesquet : entre la taille très réduite de la capsule et l’excitation que l’on imagine qu’il ressentira à l’approche de l’ISS, il s’apprête à vivre « les deux jours les plus longs de [sa] vie ».

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Logo de la mission Proxima à laquelle participera Thomas Pesquet depuis l’ISS. Le nom de la mission fait échos à l’étoile la plus proche du Soleil, Proxima du Centaure. Crédits : ESA

Thomas Pesquet, ingénieur aéronautique de formation, a aussi été formateur sur A320. Il a été sélectionné en 2009 par l’ESA, avec 5 autres candidats européens, pour rejoindre la dernière promotion d’astronaute. En 2010, après 18 mois de formation, il obtient son certificat d’astronaute, et poursuit son entraînement. En 2014, l’ESA annonce le lancement de sa mission, Proxima. Aujourd’hui, sept ans après avoir été sélectionné, il va enfin accomplir ce pour quoi il a postulé : aller dans l’espace, voir la Terre sous un angle réservé à quelques privilégiés, et faire avancer la science. Car Proxima est avant tout une mission scientifique, et non un voyage touristique. Une mission qui va durer environ six mois pour Thomas Pesquet, qui deviendra alors le deuxième français ayant passé le plus de temps dans l’espace, derrière Jean-Pierre Haigneré (mari de l’astronaute Claudie Haigneré, dont j’avais parlé dans un article précédent), qui cumule plus de 209 jours en orbite. Il mènera plusieurs centaines d’expériences à bord de l’ISS, et devrait participer à quatre sorties spatiales.

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Thomas Pesquet dans le siège gauche du simulateur de Soyouz, siège qu’il empruntera lors du décollage vers l’ISS. Crédits : ESA–Stephane Corvaja, 2016

Galileo bientôt opérationnel

Le départ d’un français pour la station spatiale est un évènement peu commun, qui a été largement abordé dans les médias, quitte à occulter un peu un second décollage pour l’ESA, depuis la base française de Kourou, en Guyane. Plus tôt dans la journée, une fusée Ariane 5 décollera, embarquant 4 satellites devant rejoindre la constellation du projet Galileo. Ces satellites, nommés Antonianna, Lisa, Kimberley, et Tijmen, porteront à 18 le nombre de satellites en orbite. Quatorze sont d’ores et déjà dans l’espace, dont deux sur une orbite différentes de celle prévue, et un satellite n’est plus actif pour cause de défaillance technique. A terme, la constellation devrait être composée de 30 satellites, dont 6 de secours. En revanche, le lancement d’aujourd’hui devrait permettre une mise en service dès décembre.

VA 233 / Galileo M-6
La fusée Ariane 5, avec à son bord les 4 satellites Galileo, transférée vers le pas de tir, mardi 15 novembre 2016, deux jours avant le décollage. Crédits : ESA–Stephane Corvaja, 2016

Pour simplifier, Galileo est un service européen équivalent au GPS. Ce dernier est en effet opéré par les américains, et l’Europe souhaitait avoir la possibilité d’être indépendante en matière de positionnement par satellites. Initié en 1999, le projet est parti d’ambitions semblables à celles qui ont motivé le système russe GLONASS et le système chinois Beidou. D’ailleurs, Galileo, GPS et GLONASS sont conçus pour être inter-opérables. Cela signifie qu’un système pourra utiliser les signaux de satellites des différentes constellations à la fois, en fonction des signaux les mieux perçus. En termes de performance, Galileo offrira une authentification du signal garantissant que ce dernier est bien émis par un satellite de la constellation et non par un leurre : cette fonctionnalité est pour l’instant exclusive à Galileo. Un autre service, commercial, permettra une meilleure précision, de l’ordre de quelques centimètres, notamment concernant l’altitude d’un appareil. A l’heure actuelle, aucune constellation ne permettait une telle précision. Galileo permettra aussi une localisation précise et en temps réel d’appareils en détresse.

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Vue d’artiste de la libération des satellites après la sortie de l’atmosphère terrestre. Crédits : ESA–P. Carril

Ces performances le placent en tête des systèmes de positionnement par satellites. La mise en service des quatre nouveaux satellites est primordiale pour l’Union Européenne. A l’heure actuelle, seuls le GPS et GLONASS couvrent la surface du globe dans son intégralité. L’Union Européenne entend bien montrer que son programme spatial a du potentiel, et est en mesure de l’atteindre. Déployer un système tel que Galileo serait un signal fort envoyé par l’ESA et l’Union Européenne.

L’ESA : une place de leader dans le domaine spatial

Enfin, fort de ce signal, l’Union Européenne pourrait être tentée de continuer sur cette voie, pour assoir l’ESA comme une agence spatiale de premier plan, et ainsi permettre le démarrage de projets encore plus ambitieux. Déjà, l’agence spatiale européenne a fait parler d’elle à plusieurs reprises ces dernières années. La mission Rosetta, qui a pris fin récemment, a été un grand succès pour l’agence, avec la mise en orbite réussie d’une sonde autour d’un astéroïde. En octobre, la mission ExoMars a permis de mettre un satellite en orbite martienne pour étudier l’atmosphère de la planète rouge, et y rechercher, entre autres, des indices d’une vie sur Mars.

Le projet Galileo est un projet d’une envergure colossalle, aux retombées économiques et politiques multiples. Il possède aussi une application pratique pour le grand public, le positionnement, qui devrait permettre de le sensibiliser aux actions de l’ESA. En matière de communication, le décollage de Thomas Pesquet a été particulièrement bien géré. La couverture médiatique de l’évènement a été impressionnante, et a permis de faire naître en France un engouement fort pour la mission Proxima. Reste à espérer que les français, et plus généralement les européens, garderont des étoiles pleins les yeux, et que cela motivera l’ESA, et les différents agences spatiales, à poursuivre leurs différentes quêtes, de recherche de la vie extraterrestre, de conquête spatiale, et de partage d’une passion pour un Univers magnifique et encore bien mystérieux.

Vol Soyuz FG /MS03Rollout
Photo de la fusée Soyouz prise Lundi 14 Novembre 2016, sur la pas de tir. Crédits : ESA–Manuel Pedoussaut, 2016

Crédits de l’image de couverture : ESA–Stephane Corvaja

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