Fin septembre, lors du 67ème Congrès International d’Aéronautique, Elon Musk, le PDG de SpaceX, a présenté son projet d’expédition vers Mars. Son objectif est simple : y envoyer des hommes en 2024. Et son ambition est très claire, l’homme doit à terme coloniser Mars. Un projet qui fait rêver, mais qui reste techniquement complexe.
Elon Musk : le visionnaire derrière SpaceX
Comme derrière de très nombreuses entreprises révolutionnaires se trouve un visionnaire, à l’origine du projet. Elon Musk fait partie des hommes voulant avoir un impact fort sur l’humanité, et il en a les moyens. Il a notamment cofondé Paypal, puis Tesla Motors, un constructeur de voitures électriques haut-de-gamme, intégrant par exemple des fonctionnalités de conduite automatique. Il est aussi derrière le projet d’Hyperloop, un nouveau moyen de transport à très grande vitesse. L’objectif : avoir la possibilité de se déplacer plus rapidement qu’en avion pour un prix inférieur. Aucun brevet n’a été déposé, Elon Musk encourageant fortement le côté Open Source. Dans cette même idée, il a participé au lancement d’OpenAI, un projet d’intelligence artificielle, à nouveau en Open Source, visant à bénéficier à l’humanité toute entière. Il a enfin voulu s’investir dans le domaine spatial, et a fondé SpaceX en 2002.
SpaceX : une révolution spatiale
Comme la majorité des projets d’Elon Musk, SpaceX a pour objectif de changer radicalement le milieu dans lequel l’entreprise opère : le domaine spatial, en l’occurrence. Et en moins de 15 ans, la société a eu le temps d’essuyer plusieurs échecs, mais aussi de remporter quelques retentissants succès. Le premier lanceur de SpaceX, la Falcon 1, a en effet échoué ses trois premiers lancements, avant de finalement de réussir sa quatrième mission. Le projet a depuis été abandonné au profit de la Falcon 9, une fusée réutilisable. Il s’agit là d’une fonctionnalité qui visait initialement à réduire les coûts de lancement, puisqu’il n’y a en théorie plus besoin de produire une fusée pour chaque lancement comme c’est le cas aujourd’hui. Et, étant donné les coûts de construction des fusées, les économies pourraient être énormes.

Cela implique en revanche une phase de recherche complexe, et de nombreux tests. Pour que la fusée puisse être réutilisée, il faut qu’elle puisse se poser verticalement, soit sur sa base de lancement, soit sur une barge maritime mobile. La vitesse d’arrivée de la fusée rend la procédure particulièrement compliquée. Pouvant se déplacer jusqu’à 2km/s, il est impératif de drastiquement réduire cette vitesse avant l’atterrissage. La taille du lanceur, environ 20m de haut pour 3,6m de diamètre pour le plus petit, ne facilite pas non plus les choses. Enfin, dans le cas habituel, la fusée doit se poser sur la barge mobile (les conditions pour pouvoir se poser sur la terre ferme sont moins souvent remplies). La barge étant de taille relativement réduite (90m sur 50m, soit grossièrement la taille d’un terrain de football), le lanceur doit être extrêmement précis lors de son atterrissage. A ce niveau, SpaceX a réussi à reposer son lanceur plusieurs fois, mais a aussi rencontré quelques échecs, le dernier en date étant l’explosion sur le pas de tir d’une Falcon 9 le 1er Septembre 2016, incident toujours inexpliqué lors de la rédaction de cet article. Si SpaceX a réussi à démontrer qu’il est possible de réutiliser un lanceur, le processus n’est pour l’instant pas suffisamment fiable pour que sa rentabilité soit évidente.
La réutilisabilité : la clé de la conquête de Mars
Malgré tout, le concept fonctionne : il est possible de réutiliser un lanceur. Et c’est là le point de départ du projet d’Elon Musk pour Mars. Tout doit être réutilisable, et tout doit être réutilisé, du lanceur aux navettes. Aucune mission spatiale n’a pour l’instant permis de développer des moyens techniques pour aller sur Mars, il y donc tout à faire. Une nouvelle navette doit être développée. Initialement surnommé Big F***ing Spaceship, l’Interplanetary Spaceship devrait être d’une taille comparable à celle d’un Boeing 747. Il devrait pouvoir transporter 450 tonnes de charge utile. L’idée de Musk concernant le carburant est un point clé du programme. Une fois le vaisseau dans l’espace, il reste en orbite terrestre, pendant que le lanceur retourne sur Terre et est équipé d’une citerne. Celle-ci va ensuite être expédiée vers l’espace où elle se rapprochera de la navette, et le carburant de la citerne sera transmis à la navette. L’opération est répétée plusieurs fois pour transmettre suffisamment de carburant à la navette (environ 1900 tonnes de carburant pourraient être transmises en 5 transferts environ). Le carburant nécessaire à un voyage pour Mars est un problème énorme, puisque plus on transporte de carburant, plus il est nécessaire d’en consommer pour faire décoller la fusée au départ. En permettant plusieurs voyages pour faire le plein de la navette, le problème est contourné, et cette solution semble techniquement réalisable.

Le voyage ne peut avoir lieu à n’importe quel moment, puisque la Terre et Mars ont des périodes de rotation autour du Soleil différentes. Il peut y avoir un voyage tous les deux ans environ, pour une durée moyenne de voyage de 115 jours. Pour Elon Musk, le voyage devra être amusant, et il prévoit donc d’aménager sa navette pour transporter une centaine de personnes, en offrant diverses activités adaptées à un environnement en apesanteur. Et cela pour une raison bien précise : les voyageurs ne seront pas des astronautes, mais potentiellement des touristes, qui pourront s’offrir le voyage pour environ 100 000 dollars. Il est donc important de faire du voyage un divertissement.

Les débuts du tourisme spatial
Un bémol semble néanmoins subsister, et pas des moindres. Toute la phase d’expédition vers Mars est plutôt bien expliquée et semble, d’un point de vue théorique, à peu près réalisable. Certains experts remettent en cause la capacité à envoyer une centaine de personnes par navette, et seraient d’avis de revoir ce chiffre à la baisse. Malgré tout, cette phase est plausible. Le voyage de retour est en revanche beaucoup plus flou. Étant donnée la durée du trajet, la navette ne peut pas transporter son carburant, et devra donc le fabriquer sur place. Le choix du carburant est fait, la manière de la fabriquer est vaguement détaillée, mais a de quoi laisser sceptique. Le retour vers la Terre est pour l’instant le point le moins détaillé du projet. Et les risques dé sécurité tout au long du voyage (décollage, voyage vers Mars, vie sur Mars, et retour vers la Terre) sont énormes. Comme le dit Elon Musk lui-même, les premiers voyageurs devront « être prêt à mourir ». Une perspective déjà peu réjouissante lorsqu’il s’agit d’astronautes ayant dévoués leur vie à la recherche spatiale, et ayant forcément envisagé cette possibilité, mais dans le cas de touristes spatiaux, c’est d’autant plus problématique.
Néanmoins, malgré le risque évident d’une telle mission, il y a fort à parier que les volontaires seront nombreux. L’espace fascine de nombreuses personnes, et avoir la chance d’y aller est pour elles un rêve qui pourrait devenir réalité. Surtout qu’il ne s’agit pas là d’un simple vol spatial, mais de l’opportunité d’aller y passer plusieurs mois et de fouler le sol d’une autre planète. Il s’agit là du ticket pour être le premier homme à fouler le sol martien, à laisser une trace indélébile dans l’histoire et à voir des paysages qu’aucun homme n’aura jamais vu auparavant. Pour Elon Musk, SpaceX sera en mesure d’envoyer les premiers hommes sur Mars d’ici à 2024, plus tôt que ce qu’à annoncé la NASA pour son projet Journey to Mars. Mais Boeing vient très récemment de faire une annonce qui risque bouleverser la donne : la compagnie annonce qu’elle sera la première à envoyer des homme sur Mars. L’arrivée des compagnies privées sur le marché va sans aucun doute énormément accélérer les recherches sur le tourisme spatial, qui sera sans doute une réalité avant la fin de la prochaine décennie.
