Une Terre sphérique? Mais à quel point?

La Terre est une sphère rocheuse, qui se balade gentiment dans l’immensité de l’espace. Enfin, une sphère… Presque. Légèrement déformée, parcourue de montagnes, de failles sous-marines, la Terre n’est pas une sphère parfaite. Mais est-on loin d’une sphère parfaite ? Eh bien, on n’en est vraiment pas loin.

Par gravité, le corps devient sphérique

La force de gravitation est une force physique d’attraction : deux corps massiques sont attirés l’un vers l’autre. Cette force joue un rôle primordial dans la formation des planètes. Les planètes sont formées à partir d’un nombre incalculable d’atomes. Ces atomes sont initialement séparés, et orbitent autour du Soleil juste formé, créant ce qu’on appelle qui un disque d’accrétion. Ces atomes se sont petit à petit agrégés en poussières. Ces poussières ont capté de nouveaux atomes par gravité, pour grossir lentement, attirer d’autres poussières et continuer à grossir. Ce processus, extrêmement long, a fini par donner naissance à de nombreux corps plus ou moins massifs. Et plus un corps est massif, plus la force de gravité qu’il exerce est importante. Les corps les plus massifs ont donc continué de grossir et à capter de petites poussières, jusqu’à pouvoir capter d’autres corps célestes moins massifs, continuant à gagner en masse. C’est ainsi que l’on passe d’atomes à des poussières, puis aux astéroïdes et aux planètes. Cela prend néanmoins énormément de temps pour qu’une planète se forme.

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Vue d’artiste du disque d’accrétion formé autour du tout jeune Soleil. Crédits : NASA/JPL

Lorsqu’un corps atteint une certaine masse, sa gravité devient suffisamment importante pour lui imposer une forme sphérique. Sur un petit corps céleste, la gravité qui y règne n’y est pas suffisamment importante et sa forme n’est que peu influencée par la gravité : cela donne des astéroïdes et quelques satellites planétaires aux formes originales. En revanche, au-delà d’une certaine masse, et là encore sur une grande échelle de temps, la matière s’agence en une sphère, où la gravité est sensiblement équivalente en tout point de la surface. Cette forme sphérique est d’ailleurs l’une des trois conditions que doit remplir un corps céleste pour être une planète, selon la définition de l’Union Astronomique Internationale la plus récente. Les deux autres sont qu’une planète doit orbiter autour du Soleil, et avoir éliminé de son orbite de tout autre corps massif, en le captant pour qu’il devienne un satellite ou en l’éjectant de l’orbite. C’est d’ailleurs cette dernière condition que ne remplit pas Pluton, destituée de son rang de planète depuis la mise à jour de la définition en 2006.

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Pan, satellite de Saturne à la forme d’une noix, n’a pas une masse suffisante pour prendre naturellement la forme d’une sphère. Le satellite naturel de Saturne a été photographié par Cassini en mars 2017. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SSI

Un embonpoint équatorial

Les planètes tournent autour du Soleil, mais elles tournent aussi sur elles-mêmes, plus ou moins vite. Les planètes tournent généralement sur elles-mêmes dans le même sens qu’autour du Soleil, la seule exception du système solaire étant Vénus. Certaines planètes ont un axe de rotation perpendiculaire au plan dans lequel évolue le système solaire, d’autres ont un axe incliné (c’est le cas pour la Terre), et Uranus a un axe de rotation couché. Cette rotation des planètes sur elles-mêmes déforme les planètes : elles s’aplatissent légèrement au niveau des pôles et grossissent au niveau de l’équateur. La vitesse de rotation de la planète sur elle-même a un impact direct sur la taille de ce renflement. D’autres facteurs, comme la taille ou la densité de la planète entrent aussi en jeu.

Les deux planètes de notre système solaire qui tournent le plus vite sur elles-mêmes sont Jupiter, qui effectue une rotation complète en 9 h 55 min, et Saturne, dont la rotation prend 10 h 44min environ, là où sur Terre, cela prend 23 h 56 min. Il s’agit là des durées de ce qu’on appelle des jours sidéraux, par opposition au jour solaire, qui dure 24 h sur Terre (le jour sidéral est le temps que met la planète à faire un tour complet sur elle-même, là où le jour solaire est le temps que met la Terre pour qu’un point qui soit face au Soleil se retrouve à nouveau face au Soleil). Les vitesses de rotation de ces deux géantes gazeuses sont ahurissantes, surtout qu’elles sont beaucoup plus grosses que la Terre. Au niveau de l’équateur terrestre, la vitesse de rotation est de 1 600 km/h environ, mais elle atteint un peu moins de 35 000 km/h sur Saturne, et 47 000 km/h sur Jupiter. La déformation de ces planètes qui en découle n’est pas négligeable. La différence entre le rayon équatorial et le rayon polaire de Jupiter est de 4600 km (soit 0,7 fois le diamètre de la Terre). Proportionnellement, le diamètre de Jupiter au niveau de l’équateur est plus grand que son diamètre polaire de 6,5 %. Pour Saturne, ce chiffre est encore plus important : le diamètre équatorial est plus grand que le diamètre polaire de 9,80 %.

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Photographie de Saturne par la sonde Cassini. Saturne est la planète qui a l’embonpoint équatorial le plus important, et il se discerne à l’œil nu. Crédits : NASA/JPL-Caltech/SSI

Il s’agit là de déformations relativement conséquentes. A l’inverse, les vitesses de rotation de Mercure (une rotation complète en 59 jours) et Vénus (une rotation complète en 243 jours) sont si faibles que les planètes ont un aplatissement nul : les diamètres équatoriaux et polaires sont identiques. Avec une rotation en un peu moins de 24 h, l’aplatissement de la Terre est faible, mais n’est pas nul : la différence entre le diamètre polaire et équatorial est d’environ 42 km, soit 0,34 %. Cette différence est extrêmement faible : si l’on considère un globe terrestre de 30 cm de diamètre, cela équivaut à une déformation de l’ordre du millimètre. La Terre n’est donc pas très éloignée d’une sphère parfaite.

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La Terre est suffisamment proche d’une sphère pour qu’elle apparaisse comme telle sur les photographies spatiales. Crédits : NASA/EPIC Team

Chaînes de montagnes et fosses océaniques : difficilement détectable

Néanmoins, la Terre n’a pas une surface lisse, loin de là. Elle a un relief très accidenté, elle est creusée par des canyons, fissurée par des fosses océaniques, marquée par les chaînes montagneuses. Cependant, aucun canyon ne creuse suffisamment la Terre, aucune chaîne de montagnes ne s’élève suffisamment haut pour que cela se remarque sur les photos prise depuis l’espace (photos de la Terre dans sa globalité). Dans le cas des fosses océaniques, elles sont recouvertes par les eaux des océans et ne sont donc pas visibles, mais même si toute l’eau venait à disparaître, elles ne se verraient toujours pas. La fosse la plus profonde connue à ce jour est la fosse des Mariannes, s’enfonçant à plus de 11 km de profondeur soit environ 0,17 % du rayon terrestre (en considérant la moyenne entre le rayon équatorial et polaire).

Quant aux chaînes de montagnes, c’est encore moins visible puisque la plus haute montagne, le mont Everest, culmine à 8800 m d’altitude : moins de 0,14 % du rayon terrestre. A noter que le haut du mont Everest n’est pas le point le plus éloigné du centre de la Terre : il s’agit du sommet du volcan Chimborazo, point culminant de l’Équateur. Cela vient de la déformation de la Terre au niveau de l’équateur dont il était question précédemment. Étant plus proche de l’équateur, le sommet du volcan Chimborazo, à 6230 m d’altitude est plus éloigné du centre de la Terre que le sommet de l’Everest. Et la différence est de pratiquement 2 km.

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Il faut s’approcher de la Terre pour pouvoir y discerner son relief. Et même depuis l’ISS, il est difficile à détecter, comme sur cette photographie des Alpes prise en décembre 2014 par l’astronaute italienne Samantha Cristoforetti. Crédits : NASA/ESA/Samantha Cristoforetti

En revanche, si l’on reprend le globe terrestre considéré précédemment, il serait possible de sentir les fosses océaniques et les montagnes. En effet, si on voulait les représenter à l’échelle, la fosse des Mariannes serait une rayure de 0,25 mm de profondeur. En passant sa main sur le globe, il serait possible de sentir cette fosse, le doigt humain pouvant détecter une rugosité de 13 nm (soit 0,000013 mm). Mais il est bien difficile de les voir sur les photos spatiales de la Terre.

Attention aux images trompeuses

La Terre est donc une sphère moins parfaite que Mercure ou Vénus, mais a une forme qui en est très proche. Et pourtant, on trouve parfois sur internet une image d’une Terre à la forme patatoïdique. Cette image laisserait sous-entendre que la Terre est loin d’être une sphère. D’autant plus que cette image est une véritable représentation de la Terre, et provient des archives de l’Agence Spatiale Européenne. Elle peut donc induire en erreur si l’on ne sait pas ce que cette carte en 3D représente. Car il ne s’agit effectivement pas du relief terrestre.

Geoid
Cette modélisation 3D de la Terre peut être trompeuse, mais il ne s’agit en aucun cas de la forme réelle de la Terre : c’est une modélisation de son géoïde. Crédits : ESA/HPF/DLR

Il s’agit du géoïde terrestre. Derrière ce mot barbare ce cache en réalité quelque chose d’assez simple : il s’agit de la représentation de la gravité sur Terre. Car la gravité n’est pas uniforme et varie en fonction de la localisation sur Terre. Le satellite GOCE, envoyé par l’ESA, avait pour mission de mesurer le champ de gravité terrestre. Et la représentation de ces mesures est la fameuse image… Qui n’a donc rien à voir avec une représentation à l’échelle du relief terrestre. Car quoi qu’on puisse en dire, quoi qu’on puisse en penser, la Terre est une sphère pratiquement parfaite.

Crédits image de couverture : NASA/Reid Wiseman

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