Entre ceux qui jouaient à Pokémon Go et ceux qui attendaient impatiemment les premières épreuves des JO à la télévision, certains sont peut-être passé à côté d’une information de première importance en matière d’exploration spatiale. Et qui soulève quelques questions primordiales au niveau de la politique liée à l’espace.
Une exploitation des ressources lunaires autorisée
La nouvelle commence à se répandre : la Federal Aviation Agency (FAA), l’agence gouvernementale américaine chargée de la régulation aérienne, a autorisé une entreprise privée à exploiter les ressources de la lune dans un but commercial. Cette décision est particulièrement importante dans le domaine spatial : jusqu’alors, seules les agences gouvernementales, comme la NASA (National Aeronautics and Space Administration) ou l’ESA (European Space Agency) étaient autorisées à sortir de l’orbite terrestre. Désormais, MoonExpress est autorisée à poser un module sur la Lune.
Un regain d’intérêt pour l’espace
Cette nouvelle devrait relancer l’intérêt du grand public pour l’espace, resté plutôt léger malgré plusieurs campagnes de communication de la part des agences gouvernementales. L’annonce récente de la découverte de plusieurs centaines d’exo-planètes par la NASA, la publication régulière de clichés de la Terre par le télescope EPIC ou encore la mise en place d’une retransmission live de la Terre vue depuis la station internationale (ISS) ont eu un impact principalement auprès des passionnées. Et guère plus.

Quelques projets ont su capter l’attention, comme par exemple Mars One, un projet visant à établir une base humaine sur la planète Mars. L’originalité du projet, ainsi que l’implication humaine ont probablement aidé le projet à se faire connaître. De la même manière, les premiers pas sur la Lune ont été fortement suivis en direct. Il s’agissait là aussi d’une grande première, impliquant un homme. Mais maintenant que l’ISS est opérationnelle, l’intérêt est retombé. A tel point qu’on en oublie aisément qu’il y a en permanence une poignée d’hommes et de femmes en orbite. Le projet de MoonExpress est une nouvelle étape, qui pourrait redynamiser le secteur vis-à-vis du grand public. Mais le potentiel du projet va bien au-delà de cela.

Un premier pas vers la conquête spatial
Le problème majeur des agences gouvernementales est économique : leur budget provient des états auxquels ils sont rattachés. Et les dépenses en matière de recherche spatiale ne sont souvent pas prioritaires. C’est en cela que MoonExpress peut profondément modifier le milieu. Une entreprise privée a pour objectif de rentabiliser son investissement. Elle va donc chercher à faire un profit maximal. Et cet argent pourra être réinvestit plus tard dans d’autres projets équivalents. De même, sachant qu’il est désormais possible d’obtenir une autorisation pour exploiter les ressources spatiales, d’autres entreprises vont sans doute redoubler d’efforts pour proposer des projets encore plus ambitieux.
Les agences gouvernementales étaient le modèle le plus efficace en temps de Guerre Froide, où l’exploration spatiale était un moyen de démontrer sa puissance. Mais la fin de cette période a aussi entraîné une diminution des investissements. L’amélioration des relations entre les États-Unis et la Russie ont néanmoins permis la réalisation de projets de coopération, comme l’ISS. Mais désormais, les entreprises privées sont plus à même de développer des technologies de rupture, les agences gouvernementales se focalisant désormais sur l’étude et la compréhension de l’univers.
Le projet MoonExpress vise à envoyer un module sur la Lune en 2017. Ayant reçu l’autorisation officielle de la FAA, l’entreprise va désormais se tourner vers les dernières étapes du développement du module en question. A terme, l’entreprise envisage de faire de la Lune un point central de l’exploration spatiale, avec la volonté d’y établir une colonie humaine à peine camouflée. Les avancées technologiques pour arriver à un tel point sont multiples, mais l’entrée de nouveaux acteurs privés rend l’hypothèse beaucoup plus plausible.
La question de la régulation au cœur de la décision
Cependant, la décision de la FAA vis-à-vis de MoonExpress soulève une question primordiale : quelle est sa légitimité à autoriser l’exploitation lunaire? La lune n’appartenant à personne, pourquoi une agence gouvernementale aurait un tel pouvoir? Jusqu’à maintenant, les traités internationaux considéraient l’espace comme une zone particulière, où aucune entité n’a le droit de revendiquer l’autorité sur un corps céleste. Mais, dans le cas de MoonExpress, ce traité est respecté, puisque la société ne considère pas le territoire comme lui appartenant. Elle ne fait qu’exploiter ses ressources.
La décision étant prise par une agence américaine, cela signifie-t-il que les États-Unis viennent indirectement de considérer la Lune comme relevant de leur juridiction? Il y a plusieurs approches face à cette question. La première est de voir cette autorisation comme un tour de force américain, ouvrant la voie à une course à l’exploration spatiale, sur fond de querelles politiques. La seconde est plutôt de voir cela comme un moyen de forcer les discussions sur le sujet. Jusqu’à maintenant, aucune entreprise privée n’était autorisée à sortir de l’orbite terrestre. Et les choses en restaient là, alors que l’arrivée de ces nouveaux acteurs dans le domaine de l’exploration spatiale a le potentiel de dynamiser la recherche et les possibilités.
Aucun consensus international n’existe concernant les possibilités économiques de l’espace. Exploitation de ressources, tourisme spatiale, ces projets existaient sur Terre mais se heurtaient à l’interdiction de sortir de l’orbite terrestre, par manque de régulation internationale. Ce consensus international est essentiel dans le domaine spatial, l’espace pouvant être vu comme un bien commun. Mais jusqu’à présent, les discussions semblaient ne pas avancer. En autorisant MoonExpress à poser un module lunaire, la FAA force la communauté internationale à s’interroger rapidement sur cette question. Une fois cette question réglée, il est probable qu’une nouvelle ère spatiale démarre. Et le module de MoonExpress en aura été le premier pas.

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